Art & Architecture

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Vénus apportant des armes à Enée par Nicolas-André Monsiau

Découvrez comment l'entrelacement des corps rend cette scène traditionnelle ambiguë.

Présentation de l'oeuvre

Nicolas-André Monsiau (1754-1837), Vénus secourant Énée, 1787. Huile sur toile, 300 x 250 cm. Château de Maisons Laffitte

© Reproduction Philippe Berthé / CMN

 

L’histoire d’Enée et de Vénus a inspiré de nombreux peintres européens du XVIIe et XVIIIe siècles français. L’histoire d’Enée croise celle de Troie et celle de la fondation de Rome. Elle offre de multiples récits abondamment illustrés, dont ses amours avec Didon.

Le sujet est ici relatif à la guerre de Troie, alors que les peintres classiques représentent plus volontiers l’épisode de la fondation de Rome racontée par Virgile dans l’Énéide, et notamment la scène où Vénus apporte des armes à son fils Enée, avant qu’il ne livre bataille. Bataille qui décidera de son installation dans le Latium et de la fondation de Rome. C’est cette scène que décide de figurer Nicolas Poussin (Rouen, musée des beaux-arts), qui influence grandement Nicolas-André Monsiau, mais aussi plus tard François Boucher ou Charles Natoire (Montpellier, musée Fabre).

Le thème de Vénus secourant son fils Enée n’est ainsi pas l’épisode le plus généralement traité. Le thème a probablement été imposé par l’Académie en 1787, lorsque Monsiau demande son agrément afin de pouvoir exposer au salon officiel, même si c’est le second tableau conservé au château de Maisons, Alexandre domptant Bucéphale, qui est mentionné comme œuvre lui faisant accéder à l’agrément. Le thème est en effet traité la même année par Jean Charles Nicaise Perrin (1754-1831), un Enée guéri de ses blessures, conservé à l’école nationale supérieure des Beaux-Arts. Il est probablement redevenu un thème intéressant aux yeux des académiciens à la faveur de la découverte en 1748 de l’Enée blessé, découvert dans la Chambre des Sirico, au sein des ruines de Pompéi. 

À la différence de Monsiau, Perrin évoque l’usage du dictame, une plante aromatique dans laquelle les Grecs voyaient un puissant vulnéraire, comme dans le tableau de Giovanni Francesco Romanelli (1610-1662), Vénus versant le dictame sur la blessure d'Enée (Paris, musée du Louvre). Dans son tableau, Nicolas-André Monsiau, formé à l’Académie auprès du peintre néoclassique Pierre Peyron, choisit une composition claire et classique, deux figures principales et un putto, placé comme en apesanteur. Les corps n’ont aucune densité.

Si le traitement marmoréen des chairs est néoclassique, les couleurs ainsi que l’entrelacement des corps, comme le putto, évoquent davantage l’univers de Boucher ou de Natoire. Vénus n’y est pas clairement maternelle : sa jambe frôle le bras d’Enée de manière suggestive, brouillant les codes représentatifs, entre scène érotique et christique, avec le sang versé sur sa toge.

Oeuvre à la loupe

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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