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Les graffitis dans les monuments

Graffiti de prisonnier représentant un navire à la Tour de la Lanterne

Partez en quête des graffitis dans nos monuments ! Besoin d'indices ? Commencez par les tours de La Rochelle ou les fortifications d'Aigues-Mortes...

Regardons de plus près...

La Rochelle dans la roche

Plus de 600 graffitis ont été gravés sur les murs de la tour de la Lanterne à La Rochelle, du temps où elle faisait office de prison, du XVIème au XIXème siècle.

Ces graffitis incrustés dans les murs et sur les sols témoignent d'épisodes malheureux comme des équipages échoués ou des marins emprisonnés. Ils rappellent aussi les temps forts de l’histoire de La Rochelle, notamment pendant les guerres franco-anglaises.

Les bateaux constituent le motif le plus présent. Parmi eux, on peut reconnaître le navire "HMS Duke of Wellington", ce qui témoigne de la précision des dessins réalisés.

Graffiti d'un navire à la tour de La Lanterne à La Rochelle

© Bernard Le Magouarou / Centre des monuments nationaux

Résister, toujours

La prison d'Aigues-Mortes est un lieu de mémoire pour les protestants. Dès 1686, peu de temps après la révocation de l'Édit de Nantes, Aigues-Mortes devient l’une des places d’enfermement des protestants. 

En 1730, Marie Durand, alors âgée de 19 ans, est enfermée à la prison d'Aigues-Mortes. Son frère, Pierre Durand, est un pasteur qui prêche la révolte contre les hommes du roi.

Le graffiti représenté ci-contre est attribué à cette dernière, qui restera enfermée 38 ans. En occitan, le mot « Register » signifie résister.

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Gravure REGISTER sur la margelle de l’oculus de la salle des prisonnières dans la Tours de Constance
Gravure REGISTER sur la margelle de l’oculus de la salle des prisonnières (Tours de Constance)

© Romain Veillon / Centre des monuments nationaux

La tour 13

Dans l’histoire carcérale du château d'Angers, les différents espaces médiévaux ou modernes (chapelle, tours, casemates d’artillerie) ont régulièrement été réaffectés comme lieux de détention.

C'est le cas sous Louis XIV, notamment, où le château devient une prison d'État au service de la justice personnelle du monarque. Le plus connu des prisonniers politique de cette époque est Nicolas Fouquet.

De nombreux espaces conservent des traces des passages de ces détenus au fil des siècles. Les prisonniers gravent leurs espoirs (une porte pour s’évader…) et leurs peurs (la potence). La tour 13 de la forteresse est particulièrement riche.

Dans la pierre calcaire blanche, des dessins sont gravés. On peut notamment voir des arches et des potences
Graffitis de prisonniers dans la tour n° 13

© Jean-Pierre Delagarde / Centre des monuments nationaux

Symboles maçonniques

À la fin du XVe siècle, le roi Louis XI donne au donjon du château de Vincennes une nouvelle dimension : désormais, il servira aussi de prison. Le château de Vincennes est dès lors un lieu de détention historique, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale

Grimpez au quatrième étage du donjon : on y retrouve des graffitis de 1848 représentant des initiales et symboles maçonniques.

Graffiti de prisonnier probablement franc-maçon, daté de 1848, dans la grande salle du donjon du château de Vincennes au quatrième étage

© Romain Veillon / Centre des monuments nationaux

La Marianne

Le château d'If est une forteresse construite sous François Ier au large de Marseille afin de surveiller la cité phocéenne. Transformée ensuite en prison, elle abrite aujourd'hui de nombreux graffitis réalisés par des prisonniers, des soldats ou géôliers.

La plus importante « collection » est celle réalisée par les prisonniers de 1848. Ce sont pour la plupart des prisonniers de droit commun, des révolutionnaires.

Au premier étage du château, on distingue, sur le manteau de l'une des cheminées, trois personnages représentés de profil. L'un d'entre eux semble être une femme, coiffée d'un bonnet phrygien... Serait-ce bel et bien la Marianne ?

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© DR / Centre des monuments nationaux

Entre roman et réalité

Dans son roman Les Amants d’Avignon, Elsa Triolet situe une scène au Fort Saint-André dans laquelle les deux amants lisent des graffitis réellement visibles dans le monument :

 

Il est vieux
Elle est belle
Ils sont venus

Graffiti de bustes d'hommes fumant la pipe au Panthéon

© Romain Veillon / Centre des monuments nationaux

Comment analyser ces témoignages à "fleur de pierre" ?

En 2018, à l'occasion de la saison "Sur les murs : histoire(s) de graffiti" un important travail de recherche a été mené dans les monuments du CMN !

Les équipes de la Direction de la conservation, des monuments et des collections et du pôle images ont ainsi consolidé une documentation inestimable sur les traces laissées sur les murs des monuments.

Mais au fait... Sauriez-vous définir un graffiti ?

Les graffiti de quatre sites – les remparts d’Aigues Mortes, le château de Vincennes, le Panthéon ou le château d’If – ont fait l’objet de relevés précis par des archéologues et de recherches complémentaires dans des archives. Le château d’Angers ou le village fortifié de Mont-Dauphin ont, quant à eux, été le terrain de reportages photographiques.

Résultat de ce travail ? Des parcours de mise en valeur des graffitis anciens ont été mis en place et des expositions photographiques ont été présentées ! Les artistes Madame Moustache, Lek et Sowat ou encore C215 ont aussi été sollicités pour participer à cette saison inédite.

Graffiti en forme de rosace situé dans le cloître
Graffiti en forme de rosace

© Baptiste Bruzel / CMN

Pour aller plus loin

Fascinés par ce sujet ? Plongez dans la lecture de l'ouvrage décryptant les graffittis, aux Éditions du Patrimoine.

À travers une vingtaine de textes de chercheurs spécialistes du sujet, anthropologues, historiens ou sociologues, réunis pour la première fois en 2018 sur ce sujet, des entretiens avec des artistes et une trentaine de notices illustrant des sites où les graffitis sont très présents, cet ouvrage interroge la définition des graffiti, leurs différents sens et leur héritage.

Le dossier thématique

Zoom sur les graffitis

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