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Vénus et Adonis par Nicolas Bertin

Découvrez l'interprétation théâtrale d'une légende abondamment illustrée par les peintres

Présentation de l'oeuvre

Nicolas Bertin (1667-1736), Vénus et Adonis, fin XVIIe siècle. Huile sur toile, 74 x 91,5 cm. Château de Voltaire (Ferney-Voltaire)

© Hervé Lewandowski / CMN

 

Nicolas Bertin (1667-1736), prix de Rome en 1685, s’illustre ici dans la veine mythologique qui l'a fait beaucoup apprécier de ses contemporains.

La scène de ce tableau est inspirée des Métamorphoses du poète latin Ovide, ouvrage traduit et publié de nombreuses fois au XVIIIe siècle, qui sert de source d’inspiration à de nombreux artistes. Le célèbre tableau exécuté par Titien (Madrid, musée du Prado), dont il existe de nombreuses copies, en a popularisé l’épisode dans le domaine de la peinture. Nicolas Bertin a exécuté de nombreuses versions de ce thème que l’on trouve dans des collections privées ou sur le marché de l’art (vente Drouot-Montaigne, Paris, 13.06.1997 ; vente Christie’s, New York, 29.01.1998). Il peut être rapproché des six tableaux tirés des Métamorphoses d'Ovide conservés au musée de Carcassonne, et du Vénus et Adonis (coll. part., voir T. Lefrançois, 1981, p. 141, n° 67) à la composition similaire.

En raison de sa beauté, Adonis, fruit de l’union incestueuse entre Myrrha et son père Cinyras, est l’objet de la passion de Vénus, mais aussi de Proserpine, déesse des enfers, à laquelle il aurait été confié à sa naissance. Jupiter le contraint à partager son temps entre les deux déesses : il passe ainsi l’automne et l’hiver avec Proserpine, le printemps et l’été avec Vénus.

Les putti arrangeant une guirlande de fleurs en feston autour d’une sorte de dais improvisé signalent l’arrivée du printemps, à la manière d’une mise en scène d’opéra, où nuées et draperies permettent de changer de décor. Théâtral également le geste d’Adonis, brandissant fièrement une lance, alors que sa féminité est exacerbée par de longues boucles blondes tombant sur ses épaules.

Si Vénus offre sa sensualité à la manière dont le fait plus tard François Boucher, l’univers est bien moins chargé d’érotisme que dans la période rococo. Il s’agit d’un théâtre, animé de manière singulière par des animaux, chiens, pigeons et cygnes témoignant d’un goût certain du peintre pour l’observation animalière.

Chez Titien, le deux chiens et la lance sont représentés afin d’évoquer la suite de la légende d’Adonis. Venus accompagne son jeune amant partout, chassant même avec lui. Elle poursuit les lièvres, les cerfs et les daims mais se tient à distance des sangliers, des loups, des ours, des lions et met en garde Adonis contre un excès de témérité face à ces bêtes sauvages. Insouciant, le jeune homme ne tient pas compte des recommandations de Vénus et lors d’une chasse est mortellement blessé par un sanglier. Pétrie de douleur, la déesse change le sang de son défunt bien-aimé en anémone.

Chez Nicolas Bertin, Vénus semble bien paraître en conversation avec son amant et pourrait bien le mettre en garde, mais toute dramatisation est écartée. L’un des deux chiens est couché et ne semble guère disposé à partir à la chasse, tandis que l’arme tenue par la main gauche d’Adonis évoque moins le chasseur que l’acteur d’opéra.

 

Titien (1490-1576), Vénus et Adonis, 1554. Huile sur toile, 186 x 207 cm. Madrid, musée du Prado

© musée du Prado

Oeuvre à la loupe

Pour aller plus loin

C. B. Bailey, Les Amours des Dieux de Watteau à David, cat. exp., Paris, Galeries nationales du Grand Palais, octobre 1991-janvier 1992 et Fine art museum, Fort Worth, mai-août 1992, Paris, RMN, 1991.

J.-L. Bordeaux, François Lemoyne and his Generation, Neuilly-sur-Seine, Arthéna, 1984.

T. Lefrançois, Nicolas Bertin (1668-1736), peintre d'histoire, Neuilly-sur-Seine, Arthéna, 1981.

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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