Art & Architecture

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Le bat-l'eau par Jan Peter Verdussen

Partez à la découverte de la symbolique christique de la chasse au cerf

Présentation de l'oeuvre

Jan Peeter Verdussen (1700?-1763), Le bat-l'eau, v. 1745. Huile sur toile, 93 x 125 cm. Château de Bouges

© Étienne Revault / Centre des monuments nationaux

 

Jan Peeter Verdussen est le fils du peintre de batailles et paysagiste Pierre Verdussen (1662-1701). Formé à Anvers, il part pour Turin afin d’orner la galerie des batailles du palais royal, puis travaille à la cour de Sardaigne de Charles Emmanuel III (1744). Il peint essentiellement des paysages et des scènes de batailles qui s'inspirent tantôt de Snayers et de van der Meulen, tantôt de Wouwerman. Membre de l’Académie de Marseille (1759), Verdussen meurt à Avignon en 1763

Le tableau conservé au château de Bouges relève du genre de la scène de chasse, occasion de mettre en scène une société raffinée dans ses loisirs. Un cavalier monte un cheval gris pommelé, et désigne une direction au sonneur. La meute est suivie, lors du laisser-courre, par l’équipage à cheval. Cette meute est chargée de tuer l’animal, tandis que l’homme demeure spectateur, bien qu’il puisse parfois intervenir. La scène représentée ici correspond au « bat-l’eau », moment où les chiens poursuivent le gibier réfugié dans un étang. La scène, d’une saisissante cruauté, est rendue de manière expressive par le peintre : les yeux du cerf sont exorbités, la rage de la meute semble organisée et implacable.

L’animation de l’ensemble de la toile, la variété des attitudes permettent de détourner l’attention du spectateur de cette scène cruelle. Le paisible paysage d'architectures en ruine et de collines escarpées au second plan rentre également en parfait contraste avec la scène du bat-l’eau. Le traitement jaune et bleu des lointains, dans la tradition de la peinture du nord, donne même une dimension irréelle à la scène.

Reste au spectateur le choix de fixer le regard sur la scène du premier plan, ou de laisser dériver son regard vers le spectacle paisible des ruines ou encore celui réjouissant du portrait de groupe. De précis points de lumière répartis sur la toile, attirant l’œil sur le costume de cavaliers apparemment indifférents à la scène, mais aussi sur les yeux plein de rage des chiens de chasse

La chasse au cerf est devenue depuis le XIIIe siècle un loisir royal ou princier. Le sanglier est délaissé à son profit, car clercs et religieux érigent le cerf comme gibier aristocratique. Pour l’Eglise, qui juge défavorablement la chasse, celle du cerf est moins sauvage que celle de l’ours ou du sanglier. La religion chrétienne va même conférer à la chasse au cerf une symbolique christique forte, dans la mesure elle peut amener le chasseur à devenir un saint, à l’image de la légende du général romain Eustache, chasseur enragé, qui, lors d’une chasse, voit apparaître un crucifix entre les bois d’un cerf et se convertit à la religion chrétienne. Vers le XVe siècle, la légende de Saint Hubert, patron des chasseurs, contribue à affirmer l’aura divine du cerf en reprenant le récit de Voragine.

Les auteurs médiévaux considèrent le cerf comme un symbole de fécondité et de résurrection grâce à ses bois qui repoussent. Incarnant une image du baptême, un adversaire du mal, il devient un substitut du Christ au même titre que l’agneau ou la licorne. Dans les ouvrages de vénerie de la fin du Moyen-Âge, le cerf est un animal sacrifié selon des rituels précis, mis en parallèle avec la Passion du Christ.

Oeuvre à la loupe

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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